Assurément la combinaison CRISPR/CAS9 va entraîner un changement radical dans la recherche sur le génome. Nous avons désormais un pouvoir sur nos gènes mais qu’allons nous en faire ?
Après avoir visionné cette vidéo de ScienceEtonnante (je vous conseille de visionner la vidéo car je ne vais pas revenir sur le fonctionnement de ce nouveau duo de protéine), je me suis questionné. En effet, David, le présentateur de la chaîne, conclut son exposé en disant qu’il est nécessaire, aujourd’hui, de commencer à réfléchir sur les implications de cette nouvelle technique.
Depuis la découverte de l’ADN (acide désoxyribonucléique) par Watson et Crick dans les années 50, la science des gènes que l’on appelle couramment génétique ou génomique a énormément progressé. Cependant, ce qui a été découvert reste infime par rapport à ce qu’il nous reste à découvrir. De plus, nous caressons depuis toujours l’idée d’enfin pouvoir guérir un certain nombre de maladies génétiques qui résistent à tout traitement. Des recherches avaient déjà été effectuées avec les thérapies géniques qui ont parfois été couronnées de succès. Seulement, dire que ces thérapies étaient compliquées est un bel euphémisme. De plus, le conséquences sur la santé future des malades traités est incertaine (notamment concernant le risque de cancer induit par le traitement) car les premières expérimentations couronnées de succès datent des années 90. En synthèse, il est nécessaire d’admettre que cette science qui a suscité tant d’engouement est encore loin d’avoir apporté les solutions et les réponses promises il y a quelques années par les oracles fanatiques de la génétique.
Comme je l’ai écrit plus haut, il était déjà possible de modifier le génome humain. Alors, s’il était déjà possible de modifier le génome, en quoi CRISPR/CAS9 change tout ? Tout simplement comme il a été expliqué dans la vidéo : c’est facile et surtout pas cher ! En effet, la bidouille sur le génome, en règle générale, ce n’est pas donné mais depuis quelques années le prix de l’ensemble des technologies a très fortement chuté. Cela a permis à tous nos petits chercheurs fous de se lancer dans de nouvelles expériences ! Plus sérieusement, il est possible de porter beaucoup d’espoir sur cette nouvelle pratique dans le cadre des traitements de pathologie génétique. Mais pourquoi cela en appelle à la réflexion bioéthique ?
Tout simplement parce qu’autant cet outil est magnifique autant ses mauvaises utilisations possibles sont nombreuses !
Dans un premier temps, il est nécessaire de quitter nos illusions. Si des traitements seront produit via CRISPR/CAS9, ils mettront un temps considérable à être disponibles. La recherche est encore très loin de comprendre tous les mécanismes en jeu dans l’ADN. De plus, rapidement après les premiers progrès de la génétique, les scientifiques ont compris que l’ADN seul n’était pas la réponse à toutes nos questions. Les facteurs qui entrent en jeu sont très nombreux et l’environnement dans lequel nous vivons nous conditionne bien plus que ce que nous le pensions au début. Nous avons donc créé une nouvelle discipline : l’épigénétique. En conclusion, oui, CRISPR/CAS9 porte de nombreux espoirs mais rien ne peut dire s’ils deviendront réalité.
Cependant, cette modification aisée de l’ADN pose deux questions éthiques que j’aimerais aborder. La première est la modification de l’humain et la deuxième la modification plus générale de la “nature”. Dans un point comme dans l’autre le risque évident est que des chercheurs modifient des structures du vivant mais sans en deviner les conséquences futures.
Imaginons que via CRISPR/CAS9 nous modifiions nos ADN pour nous rendre insensibles à une maladie. Le paludisme par exemple, qui fait toujours 429 000 décès par ans (source OMS). Cependant, si nous évitons cette pathologie par modification du génôme rien n’indique que les modifications que nous ferons n’entraîneront pas des effets à long terme et des conséquences sur la santé future de l’humanité. D’autant plus, si les modifications peuvent se transmettre à notre descendance. Saviez-vous que la drépanocytose, cette pathologie génétique mal-formant les globules rouges, serait une mutation génétique naturelle qui permettrait de mieux se prémunir contre le paludisme ? Cependant, les conséquences pour la santé sont nombreuses et l’on peut mourir de la drépanocytose. La nature nous le prouve en permanence, une force sur un domaine entraîne souvent une faiblesse dans un domaine parfois complètement inattendu.
Dans un autre cadre, le fameux CRISPR/CAS9 permet de modifier des cellules qui ne sont pas humaines. Je pense aux cellules animales mais aussi aux bactéries. CRISPR/CAS9 est d’ailleurs un mécanisme bactérien. Et si l’on modifiait des bactéries pour en faire des armes biologiques ? Se demande un chercheur peu moral. Les armes biologiques sont très anciennes, dans l’antiquité on envoyait déjà des cadavres d’animaux ou d’hommes dans les citées assiégées pour essayer d’entraîner des épidémies. Simplement, aujourd’hui, nous sommes capables de créer des organismes spécifiques qui porteront des danger bien supérieurs. Avis aux fans de Resident Evil ! Il semble malheureusement très difficile d’agir sur ces pratiques qui se feront sans aucun doute en dehors de tout cadre légal. Il sera aussi possible de modifier des espèces animales avec des conséquences qui seront également imprévisible. (Attention aux pro et anti-OGM, je n’ouvre pas le débat ici !)
S’il n’est pas possible de prévoir ce qui va se passer à l’avenir. Guérison des maux de l’humanité ou fin de l’humanité par CRISPR/CAS9 (ou probablement aucun des deux). Il est toutefois nécessaire de réfléchir à ce que nous voulons faire de cette nouvelle possibilité. Cela ne veut pas dire qu’il faut choisir ou non de la ranger dans des cartons. Il ne me semble pas opportun d’écouter les émissaires de l’apocalypse pas plus que les chantres du scientisme qui nous promettent paradis ou enfer à chaque “révolution” technologique. Il est nécessaire que toute la société et les chercheurs en tête se mettent d’accord sur l’utilisation que nous feront de nos possibilités scientifiques. C’est à nous de choisir les domaines que nous souhaitons explorer ou non et les risques que nous sommes prêt à accepter ou non. De plus, les scientifiques doivent comprendre que leur rôle n’est pas simplement celui de chercher mais aussi celui d’enseigner. Il faut que les chercheurs apprennent à parler à toute la société pour les instruire car il semble qu’elle soit très demandeuse non pas de peur ou d’espoir mais de vérité. En bref, à notre niveau, prenons tous nos responsabilités !
Complexe…
Bibliographie :
Génétique : “CRISPR pose des problèmes éthiques qu’il faut prendre en compte”
Comment la drépanocytose protège du paludisme ?
Les enjeux éthiques de la technologie CRISPR-Cas9
Pour aller plus loin sur la génétique :
Tests génétiques – Questions scientifiques, médicales et sociétales – INSERM