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Complexes : homosexualité, hétérosexualité : la place de la science dans tout ça

Après une discussion houleuse sur l’homosexualité et l’hétérosexualité et leurs origines physiologiques, je me suis posé une question. En effet, on m’a avancé que chercher les origines physiques des attirances sexuelles ne pouvait que mener à l’homophobie. Je me suis donc interrogé : faut-il faire de la recherche et/ou publier sur ces questions qui crispent la société ?

Mon questionnement sur la question de l’homosexualité et de l’hétérosexualité dans le cadre physiologique a débuté avec cette vidéo :

Cette vidéo m’avait en premier lieu laissé un goût un peu rance en bouche. En effet, derrière l’explication du caractère “naturel” (je mets entre guillemets, non pour contester mais pour citer) de l’homosexualité, une question me semblait rester en suspend. En effet, si on estime que l’orientation sexuelle est majoritairement modifiée lors de la période embryonnaire, est-ce que certaines personnes pourraient avancer que c’est une maladie ?

Cette interrogation a été très bien démontée par une seconde vidéo du YouTubeur Max Bird qui explique plus en détail l’ensemble des questionnements :

Il fait notamment mention en détail de la différence entre orientation et comportement sexuel.

Je me suis également renseigné sur le sujet pour trouver mes propres sources et j’ai découvert un article qui cite de nombreuses études. (Ce qui me convient bien car cela m’évite de nombreux copier/coller d’url). Ces études sont anglophones ce qui peut, je l’avoue, rendre la lecture assez délicate pour nous autres francophones.

Il est notamment expliqué que l’orientation sexuelle pourrait (pas de certitude comme souvent) provenir de trois facteurs principaux :

  • Un facteur hormonal comme expliqué dans les précédentes vidéos
  • Un facteur immunologique pour les mâles : avec les grossesses successives d’enfants mâles, la mère pourrait développer des anticorps qui impacteraient le développement du cerveau d’un fœtus mâle. (lien étude)
  • Un facteur génétique encore mal défini. Trouver des recherches dessus est une vraie plaie mais je préviens : il n’y a pas de gène de l’homosexualité ! C’est sans aucun doute un ensemble de gènes associé à de l’épigénétique qui pourrait avoir des conséquences sur l’orientation sexuelle.

Dans tout cela, il ne semble pas y avoir de place pour l’environnement psycho-social dans l’orientation sexuelle. Attention, dans l’orientation sexuelle et non dans le comportement sexuel qui, lui, sera impacté. Tout cela reste encore à être étudié par des recherches à la méthodologie fiable. Ce qui est encore trop rare.

Je vous propose également de lire l’excellent article d’Acermandax dans le blog “la menace théoriste” qui propose de revenir en profondeur sur les deux vidéos et sur la difficile question de la vulgarisation sur des sujet aussi touchy.

Personnellement, je n’estime pas être en mesure de juger de la pertinence des études présentées, cela dépasse de loin mes compétences scientifiques des domaines abordés (physiologie, immunologie, génétique, psychologie,…)

Par contre, je m’estime compétent pour discuter sur l’impact de ces recherches. La problématique : “Faut-il chercher des connaissances qui pourraient être mal utilisées ?” est ancienne.

Le professeur Patrick Berche avait interpellé les chercheurs lors d’une conférence qui s’intitulait : La recherche de la Vérité : Tout est-il publiable ? (Malheureusement, l’article n’est pas disponible gratuitement alors qu’il est génial). Il faisait alors mention de publications (estimées à moins de 1% des parutions entre 2000 et 2005) en bactériologie, virologie, toxicologie, … Qui donnent, pour faire simple, des recettes d’armes bioterroristes. Bon, heureusement, ce n’est pas si simple mais cela nous interpelle. Devons-nous toujours rechercher toutes les connaissances ou au contraire les laisser dans l’oubli ?

L’exemple de la fission de l’atome est frappant : d’un côté on fait des bombes atomiques qui font de gros boum. Et de l’autre, on fait des centrales nucléaires qui, certes, font parfois de gros boum, mais donnent surtout de l’électricité à une partie de la planète.

En ce qui concerne les recherches sur l’homosexualité, ça peut déraper aussi (mais sans gros boum à mon plus grand désarroi).

Que se passerait-il si l’on nous proposait un test sanguin, comme pour la trisomie 21, qui permettrait de déterminer l’orientation sexuelle future du fœtus ? Ce serait peut-être une belle porte ouverte à une nouvelle forme d’eugénisme social. Cela doit absolument tous, chercheurs et citoyens, nous questionner. Quelles limites devront nous mettre à nos recherches et à la possibilité qui découle de nos moyens techniques ?

Pour ma part, je pense que la recherche de la connaissance est une très belle chose à l’image de Marie Curie :

Je suis de ceux qui pensent que la science est d’une grande beauté. Un scientifique dans son laboratoire est non seulement un technicien : il est aussi un enfant placé devant des phénomènes naturels qui l’impressionnent comme des contes de fées. Nous ne devrions pas laisser croire que tout progrès scientifique peut être réduit à des mécanismes, des machines, des rouages, quand bien même de tels mécanismes ont eux aussi leur beauté. Je ne crois pas non plus que l’esprit d’aventure risque de disparaître dans notre monde. Si je vois quelque chose de vital autour de moi, c’est précisément cet esprit d’aventure, qui semble qui me paraît indéracinable et s’apparente à la curiosité. Sans la curiosité de l’esprit, que serions-nous ? Telle est bien la beauté et la noblesse de la science : désir sans fin de repousser les frontières du savoir, de traquer les secrets de la matière et de la vie sans idée préconçue des conséquences éventuelles.

Mais cela implique néanmoins une réflexion. Oui, les recherches sur l’homosexualité et sur l’orientation sexuelle en général peuvent entraîner des dérapages. Mais ces dérapages ne découlent que de l’interprétation des résultats que l’on fait. l’exemple est simple : “Un pic hormonal embryonnaire semble influencer l’orientation sexuelle” versus “une anomalie hormonale semble influencer l’orientation sexuelle”. Si ces deux phrases semblent descriptives, la deuxième est déjà une interprétation d’un résultat. Celle-ci laisse entendre que le pic hormonal chez les homosexuel serait anormal, ce qui est faux. Il est statistiquement moins fréquent d’être homosexuel mais ça ne préjuge en rien d’une anormalité (et encore moins d’un caractère pathologique). Je vous renvoie à mon précédent article sur la norme et sur Canguilhem.

La question serait alors non pas de se demander si ces recherches sont bonne ou mauvaises. Mais bien de se questionner sur l’interprétation que l’on se fait d’une donnée qui se veut objective que la recherche produit. Si les études sur la création de virus ultra-pathogène peut sembler plus que contestable au vu des conséquences que cela pourrait apporter. Il serait dommageable que les chercheurs se refusent de travailler sur des sujets tels que l’homosexualité qui permettent avant tout de questionner nos préjugés et de nous remettre en question. Il ne faudrait pas avoir peur de donner de la connaissance à la société. Effectivement, cela permet à certaines personnes d’en faire des interprétations erronées. Mais cela permet aussi de donner des arguments forts à ceux qui veulent affirmer que l’homosexualité n’est en rien une maladie ! La connaissance est un outil qui peut être bien utilisé ou très mal (cf : gros boum atomique).

N’est ce pas aussi obscurantiste de refuser que l’on comprenne comment fonctionne l’humain et son orientation sexuelle que de refuser que la terre tourne autour du soleil car ça ne rentre pas dans notre conception du monde ? Ne soyons pas obscurantistes en refusant que la science s’intéresse aussi aux questionnements sociaux crispant. Cela est peut-être naïf mais je crois que la science peut être bien utilisée, c’est-à-dire pour favoriser le bonheur de tous.

je terminerai avec une dernière phrase de Marie Curie qui, vous l’aurez compris, m’interpelle beaucoup : Dans la vie, rien n’est à craindre, tout est à comprendre. Bonne réflexion.

 

Complexe…