Vous avez déjà fait un tour dans une pharmacie ? Hum, c’est bien ce que je pensais ! Avez-vous déjà été gênés quand le pharmacien ou la préparatrice a dit à voix haute le nom de votre traitement pour les hémorroïdes ? Avez-vous déjà râlé sur la protection du secret médical ?
Avant de commencer à déblatérer, je vous propose de faire un petit tour du côté du droit de la santé afin de poser les bases.
Lorsque j’ai trainé sur internet, je suis tombé sur beaucoup de sites qui parlaient du secret médical et beaucoup parlent de l’obligation imposée au médecin mais ce n’est absolument pas le seul professionnel de santé concerné. En fait, tous les professionnels de santé sont concernés par le secret médical. D’ailleurs, pour être exact, le secret médical n’est pas une obligation envers les soignants mais un droit des patients. L’article L1110-4 du Code de la santé publique dispose que :
“Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou service, un professionnel ou organisme concourant à la prévention ou aux soins dont les conditions d’exercice ou les activités sont régies par le présent code, le service de santé des armées, un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico-social mentionné au I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.” (article complet ici)
Les médecins ont même le droit à un article supplémentaire qui est intégré dans leur code de déontologie. Preuve de son importance, le secret médical est inscrit dans l’article 4 :
“Le secret professionnel institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.
Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris.” (article complet ici)
La question de la confidentialité dans la relation entre un soignant et un soigné n’est pas neuve. On pourrait presque dire qu’elle est aussi vieille que la médecine car on peut la retrouver dans le serment d’Hippocrate qui remonte rien de moins qu’au IVe siècle avant JC. Dans la traduction d’Émile Littré, le serment décrit le secret de cette manière :
“Quoi que je voie ou entende dans la société pendant, ou même hors de l’exercice de ma profession, je tairai ce qui n’a jamais besoin d’être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas.” (Serment complet selon la traduction de Littré)
Après la notion de secret a heureusement évolué. En effet, dans l’idée du serment d’Hippocrate, il y a l’idée que l’intimité du patient ne doit être révélé à personne pas même à lui-même. Dire la vérité au patient sur ce dont il souffre est une avancée très récente qui s’intègre dans la volonté d’autonomisation du patient face au pouvoir de la médecine ! Mais cette histoire sera pour une autre fois.
Le secret médical, qui est en fait un secret professionnel, impose donc aux soignants en général (ainsi qu’au professionnels qui ont accès à des données de santé) à taire les informations qu’ils peuvent acquérir lors de son exercice. Ils n’ont pas l’autorisation de le dévoiler sauf cas très particuliers. (Que j’aimerais bien voir détaillé dans un Quid Juris. On verra si c’est faisable !)
Mais revenons en à la raison qui m’a poussé à écrire cet article. Comme j’ai une formation de soignant, j’ai un peu de pharmacologie derrière moi, bien que je ne sois pas un expert non plus. Lorsque je vais prendre mes médocs, je ne peux m’empêcher d’entendre ce qui se dit à moins d’un mètre de moi, à ma droite ou à ma gauche.
- Du Novorapid et du Lantus ? Ah, mon voisin est probablement diabétique !
- Un tensiomètre ? Ah, vous faites de l’hypertension ?
- Du Levothyrox ? Ah, des problèmes avec votre thyroïde ?
- De l’Atarax ? De la Paroxétine ? Du prazépam ? Ah, troubles anxio-dépressifs ?
- De l’Augmentin ? Ah, une petite infection ? J’espère que ça va !
- Du Viagra ? Non, je déconne, je n’ai jamais eu ce cas en me baladant dans une pharmacie.
Je pourrais continuer ma liste des heures. Je ne parle même pas de ceux qui ont des problèmes de transit, des migraines, qui prennent des contraceptifs, etc. Ce qui me soûle dans cette situation, c’est que je n’ai aucune envie de savoir ce que prennent mes voisins de pharmacie. Je m’en fiche moi ! En plus, je me dis que si moi, je comprends pour d’autres personnes, d’autres personnes comprennent très bien pour mes traitements. Or je n’ai aucune envie que mon état de santé soit étalé en place publique. On peut savoir tellement de choses juste en apprenant les médicaments que prend une personne. Je me demande donc toujours pourquoi les pharmaciens ne protègent pas mieux le secret médical de leurs patients ? Alors, avant que l’on me taxe de casser du sucre gratos sur le dos des pharmaciens, je dois dire que je n’ai absolument rien contre eux. Le personnel de la pharmacie dans laquelle je me rends est globalement génial, hyper à l’écoute et prodigue de bons conseils. Ce sont des soignants en or. C’est peut-être pour ça que je leur en demande plus d’ailleurs. Pourquoi, le secret médical reste problématique à la pharmacie ?
Deux choses m’ont poussé à rédiger cet article. Premièrement, j’ai du beaucoup aller dans des pharmacies différentes car un proche avait des problèmes de santé et j’ai participé à l’achat du matériel et des produits de santé. A cette occasion, j’en ai entendu des secrets médicaux… Ensuite, ils ont entièrement refait ma pharmacie de quartier et les stands qui auparavant étaient distants les uns des autres d’un mètre cinquante sont aujourd’hui à 60 centimètres les uns des autres. Je pourrais lire les ordonnances du patient d’à côté si je le voulais. Et moi, cela me gêne, j’ai une formation de soignant donc j’ai appris à me taire et je m’efforce d’oublier au plus vite tout ce que j’ai entendu mais bon ! Je ne veux pas qu’une connaissance me soit imposée parce que le ou la pharmacienne lit la prescription à haute voix à côté de moi. Et je ne trouve pas sain que de telles choses soient révélées. Un traitement révèle l’intime des personnes. Parfois, certains ne disent rien de leur maladie, pas même à leurs proches. Alors pourquoi, moi, un inconnu, je devrais savoir ce qui doit rester privé ?
Un dernier petit exemple pour la route. J’arrive dans une pharmacie et je fais la queue. Avant les stands, il y avait une petite marque par terre avec marqué “limite de confidentialité”. Je me suis prudemment arrêté à ce point et là, une pharmacienne arrive pour la personne avant moi, limite en criant : “voilà, votre Metformine !” Et hop, limite de confidentialité ou pas, un secret médical venait d’être brisé. Je venais d’apprendre que la personne était très probablement diabétique. Alors, je fais quoi ? Je viens avec des bouchons d’oreille ? Je comprends bien que pour la majorité des personnes le nom des médicaments, c’est du chinois. Mais je pense ne pas être le seul sur terre à avoir les bases en pharmacologie. Si moi, je comprends, qui d’autre comprend ?
Et on ne peux pas me dire qu’il n’y existe pas de remède à cela. Je sais que des solutions existent à ce problème. J’ai vu des reportages où les pharmaciens recevaient correctement les patients (car pour moi ce sont bien des patients et non des clients) dans des bureaux afin de bien pouvoir discuter des indications et des prescriptions. Car oui, pharmacien est une professions médicale. Ce sont des soignants très formés (docteurs pour les pharmaciens) qui sont à même de modifier une prescription si le besoin s’en fait sentir. Ils peuvent même prescrire bien qu’ils laissent généralement ce travail aux médecins. Alors, si les pharmaciens sont aussi importants que les médecins, pourquoi ne nous reçoivent-il pas de la même manière ? C’est une question à laquelle j’aimerais avoir la réponse ! Il est évident qu’il n’est pas facile de créer des bureaux pour s’entretenir avec chaque patient car il faut de la place et que, comme pour tout soignant, le temps manque. Mais il ne faut pas se laisser abattre ! En tant que patients vous pouvez parfaitement demander à la personne qui vous reçoit en pharmacie un peu de discrétion. D’ailleurs, beaucoup de pharmaciens font des efforts en ce sens. Je ne vous parle que des cas qui m’ont sauté aux yeux (et choqué) car j’ai entendu des choses que je n’aurais pas du entendre. Personnellement, j’aimerais que le secret médical soit un peu plus sauvegardé quand je viens chercher mes traitements. Comme la loi le dispose, le secret des informations me concernant est un droit. Après je parle beaucoup des pharmaciens mais ce n’est pas qu’en pharmacie qu’il y a des problèmes ! Il y a aussi les cabinets au murs méga fin qui nous font profiter de toutes les consultations médicales et les secrétaires médicales qui parfois lâchent des bombes dans les laboratoires ou les centres d’imagerie ! Au final, tout le monde médical est concerné car personne n’est parfait !
Je n’ai jamais eu connaissance de patients qui auraient porté plainte contre une pharmacie pour rupture du secret médical mais il est probable que si cela n’est pas encore arrivé, cela arrivera. Il serait bien d’anticiper un peu ce problème et d’essayer d’y trouver des solutions ! Soyons inventifs ! En tout cas, je suis d’avis que le secret médical est toujours primordial même si nous vivons dans une société qui promeut la transparence totale sur tout et n’importe quoi. Il est des choses que je ne veux révéler et qui n’appartiennent qu’à moi. Je ne veux pas que mes problèmes de santé soient déballés sur la place publique car je sais que certains pourraient y avoir des intérêts comme mon assurance ou mon patron.
Au final, je me rends compte que cet article tient plus du coup de gueule que de l’article éthique mais tant pis. Parfois, il faut que ça sorte ! Et si vous aussi, vous avez déjà été dans la même situation que moi, vous pouvez poster un petit commentaire ! D’ailleurs, j’aimerais bien aborder un jour un autre tombeau du secret médical que sont les données de santé mais c’est un peu plus complexe à prendre en main ! On verra !
Complexes…