Archives pour Articles éthiques

J’ai beau être matinal, j’ai mal !

La douleur, cette expérience personnelle au possible. Mais, pourtant, c’est sans aucun doute l’occasion d’un rencontre. Explorons un peu la douleur avec cette vidéo qui propose un abord un peu philosophique mais très abordable quand même (!) Cette vidéo vous propose un voyage entre Descartes et Wittgenstein.

Toute personne qui s’est cognée, un jour, le pied dans un coin de meuble connait cette sensation. Cette expérience inoubliable (et parfois traumatisante) de la douleur est propre à chacun d’entre nous : nous avons tous déjà eu mal. Mais, pourtant, si la douleur est partagée par tous, il n’y a rien de plus personnel que la douleur. En effet, il est impossible de ressentir la douleur d’un autre. On peut comparer sa douleur à celle d’autrui mais il est impossible de partager réellement sa douleur.

On pourrait même penser à se casser le bras pour essayer de ressentir la douleur d’une personne au bras brisé ! La conclusion serait toujours la même : je ressentirai ma douleur et non la douleur d’autrui qui s’est aussi brisé le bras. La douleur a une dimension complètement subjective et personnelle. C’est “ce que je ressens” à “un moment présent”.  Le “je” est primordial. Il indique qu’il s’agit d’une expérience unique et complètement subjective. Ce que je ressens personne d’autre ne peut le ressentir. Il est impossible de se tromper lorsque l’on ressent une douleur et, pourtant, il est impossible de la partager factuellement. Pour reprendre l’exemple du bras brisé, si on fait une radio et qu’on voit le bras brisé, nous ne verrions que la cause physique de la douleur et non la douleur en elle même !

Bien qu’il soit possible d’évaluer la douleur d’autrui par des échelles, aucun médecin ne saurait dire “je ressens” la douleur de mon patient. En effet, seul le patient peut dire si sa douleur est “faible” ou “forte”, si elle est “tolérable” ou non. Cette expérience terrible est complètement personnelle et donc, aussi, solitaire. Mais ce n’est pas une fatalité. Si la douleur est phénoménale (c’est à dire, ici, tirée du vécu), c’est aussi l’occasion d’une rencontre. L’empathie et la compassion sont les armes qui nous sont accessible pour rencontrer la personne qui souffre.

La subjectivité de la douleur est l’occasion d’une rencontre entre la personne souffrante et la personne qui essaie de comprendre la douleur ressentie. L’écoute est nécessaire pour laisser le temps à la douleur d’émerger dans le dialogue. Malheureusement, l’écoute demande du temps. Et les soignants manquent cruellement de temps. Ainsi, ils peuvent devenir maltraitant en n’ayant ou en ne prenant plus le temps d’écouter la personne exprimer ce qu’elle ressent. Laissons donc aux soignants le temps de la rencontre avec autrui car c’est bien le seul moyen qui soit pour que la douleur puisse être correctement exprimée et prise en charge.

Un ancien article sur la souffrance : Complexes : la souffrance ?

Tout ça pour dire : “J’ai beau être matinal, j’ai mal…”

 

Pour la référence à “J’ai beau être matinal, j’ai mal…” :

 

 

La maladie du Nobel

Il y aurait du génome du VIH dans le Coronavirus (Sars-CoV-2) ?! C’est en tout cas ce que prétend le professeur Luc Montagnier. Il semblerait que la Nobélite ou maladie du Nobel ait encore frappé !

Le virus, le Nobel & le complot – Tronche de Fake 5.3

La plupart des chercheurs sont anonymes pour le grand public. Mais il arrive que certains de par leurs découvertes exceptionnelles deviennent célèbres. Leur noms sont alors gravés dans l’histoire et ils sont célébrés. Il est possible notamment de penser à Marie et Pierre Curie, Wilhelm Röntgen, Albert Einstein etc.

Existe-t-il un point commun entre les trois chercheurs cité ? Oui ! Ils ont tous les trois eu au moins un prix Nobel. (De physique en l’occurrence. Marie Curie en aura un deuxième en chimie en plus d’être la première femme décorée par ce prix prestigieux. En bref : <3). Mais pourquoi ce prix est-il aussi prestigieux ? Un peu d’histoire !

  • Le prix Nobel

A sa mort, Alfred Nobel institua par testament la fondation Nobel et lui versa 31,5 millions de livres suédoises (vous ferez la conversion). Cet argent provient notamment des recettes générées par son invention : la dynamite (Boum !). Dans son testament Nobel demande donc que soient récompensés chaque année des personnes (sans condition de nationalité) qui ont fait des travaux remarquables dans 5 domaines : l’économie, la littérature, la chimie, la physiologie ou médecine,  la physique et la diplomatie. (En 1968, la banque de Suède propose un prix d’économie en mémoire d’Alfred Nobel, il est communément appelé prix Nobel d’économie). En règle générale, ce prix est remis par le roi de Suède accompagné d’une somme d’argent.

Ce que j’aime le plus autour de ce prix, qui est aujourd’hui incontournable, ce sont les légendes ! Premièrement, il est dit que le prix Nobel trouverait son origine dans la lecture par Alfred Nobel de sa propre nécrologie qui avait été publiée par erreur. Cette nécrologie aurait fait la part belle au côté négatif de l’invention de la dynamite. Alfred Nobel aurait alors décidé de créer un prix pour changer l’image que l’on aurait de lui après sa mort. Cette légende est à priori fausse mais je l’aime beaucoup. De plus, lorsque l’on cite Alfred Nobel, on pense tout de suite au prix et très rarement à la dynamite. Mission réussie donc…

la deuxième légende concerne l’absence de prix Nobel de mathématiques. Il est dit que, s’il n’existe pas un tel prix, c’est parce que la femme d’Alfred Nobel aurait eu une aventure avec un mathématicien. Bon pareil, Nobel ne s’est jamais expliqué sur cette absence de récompense mais ce n’est probablement pas pour cette raison que le prix Nobel de mathématiques n’existe pas. De toute manière, les mathématiciens peuvent se venger avec la médaille Fields. (Sans rancune ?)

Pour plus d’info, go wikipédia : prix Nobel !

  • En quoi, avoir un prix Nobel peut-il être une mauvaise chose ?

Et bien, la raison est simple. Certains chercheurs n’arrivent plus à avancer dans leurs recherches par la suite. Certains partent même complètement en vrille avec des théories complètement farfelues. On peut citer la théorie sur les bienfaits de la papaye fermentée, le manque d’affection maternelle qui entraine l’autisme etc.

Bon d’accord mais quel est le problème après tout, c’est leur droit de dire ce qu’ils veulent, non? Le problème est facile à comprendre. Comme ceux-ci sont réputés, quand ils parlent on les écoute quand bien même ils parleraient de sujet complètement en dehors de leurs compétences. D’ailleurs plus que de les écouter, on a tendance à les croire sur paroles. Comment remettre en doute la parole d’un prix Nobel ?!

Je pense qu’il est sain de remettre en question la parole d’autrui surtout lorsqu’elle propose des affirmation incroyables. “Des affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires” (Marcello Truzzi).

Donc faites attention à ce qu’on vous raconte ! Un expert n’a pas toujours raison ! Ne pas succomber à tous les arguments d’autorités est déjà un pas vers l’esprit critique.

 

Pour aller plus loin :

Utilitariste jusqu’au bout ?

Faisons avec cette vidéo de Monsieur Phi, 7 expériences de la pensée pour savoir si nous sommes utilitaristes !

Cette vidéo va nous expliquer un peu ce qu’est l’utilitarisme. Surtout, elle va nous faire comprendre si nous sommes prêt à être utilitariste jusqu’au bout.

A travers de cette vidéo qui nous parle avant tout de morale et de choix moraux, nous pouvons voir qu’il s’agit aussi d’éthique. L’exemple de la vidéo est parfait car il traite en plus d’éthique biomédicale ! Il s’agira de déterminer qui nous allons sauver entre 1 malade avec 5 atteintes mortelles et 5 malades ayant chacun une atteinte mortelle. Si cet exemple est un travail de la pensée, il ne faut pas oublier que les secours doivent parfois faire ce genre de choix dans la réalité.

Dans une situation semblable de nombreuses questions se posent. Qui suis-je en mesure de sauver ? Qui vais-je sauver en premier ? Si je soigne cette personne combien d’autre mourront ? Puis-je faire une distinction entre un jeune et une personne plus âgée ? Autant de questions qui nous interrogent sur nos principes. Le choix est d’autant plus complexe lorsque l’on comprends qu’il n’existe aucun choix qui soit “bon”. Peut-on alors parler d’une morale ou d’une éthique du “moins pire” ?

Alors qui allez-vous sauver et jusque quel niveau ? Attention, cette vidéo est dangereuse car vous risquez d’en apprendre plus sur vous que vous ne le voudriez !

Bon visionnage !

Complexe, non ?

Les monstres de demain

Les monstres ont toujours fait partie de notre imaginaire collectif. La science les a d’abord observé puis analysé. Mais aujourd’hui, tel un docteur Frankenstein, elle est en mesure de créer par elle-même des être que nous pourrions qualifier de monstres. Un voyage vous est proposé à travers une magnifique vidéo d’Axolot, chasseur d’étrangeté.

Dans cette vidéo, Patrick Baud nous interroge sur la normalité via la question des monstres. C’est donc une nouvelle invitation à lire ou relire “le normal et le pathologique” de Canguilhem qui nous aide à mieux comprendre cette notion réellement difficile du normal. Qu’est ce que d’être dans la norme ? Est-ce être dans la moyenne de tous les individus ? Où est-ce être en mesure d’avoir une action normative sur son environnement ? C’est à dire de pouvoir nous adapter à notre monde. Cependant, le montre est celui qui sort de la norme sociale. C’est celui que l’on montre selon son étymologie monstrare (montrer). Si le monstre est l’être que l’on montre du doigt et que l’on expose alors il semble qu’il existe des monstruosités qui sont bien au delà de la simple apparence physique.

Pour terminer sur une réflexion plus large, Michel Odent intitule un livre de réflexion de la manière suivante : “L’Humanité survivra t’elle à la médecine ?” Plus que la médecine, je vous propose de réfléchir à tout ce que la science a changé en nous et autour de nous depuis 50 ans… Sommes-nous encore des Homo-Sapiens ? Tout comme Patrick Baud, je m’interroge, à quoi ressemblera le monstre du placard du futur ?

Mes articles sur le sujet :

Bibliographie :

    • “Le normal et le pathologique”, Georges Canguilhem, PUF, 2013
    • “L’Humanité survivra t’elle à la médecine ?”, Michel Odent, Myriadis, 2016
    • Le blog d’axolot

information médicale, une nécessité ? Pt. 2

Information médicale

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L’information médicale, c’est une bonne chose de la figer dans la loi mais cela ne suffit en rien. L’information nécessite une vraie démarche active de la part des soignants mais aussi, vous allez le voir de la part du patient.

Si vous connaissez un peu les lois qui régissent la médecine, vous n’aurez pas manqué de remarquer que je n’ai pas fait de distinguo dans l’article précédent entre l’obligation d’information en recherche et l’obligation dans le cadre du soin. En effet, ces deux informations ne sont pas régies par les mêmes textes et les même obligations ne sont pas demandées. La recherche est souvent très ferme dans sa demande de consentement libre et éclairé allant jusqu’à exiger un consentement écrit. Alors que l’information médicale dans le cadre du soin demande généralement uniquement un consentement oral.

Je m’arrêterai dans cet article à l’information dans le cadre du soin et je me baserai sur cette citation : Informer et recueillir un consentement, si ce n’est pas un tour de passe-passe manipulateur, demande du temps.”1

En France, depuis la loi du 4 mars 2002, s’est amorcé un véritable virage juridique. En effet, le paternalisme (idée que le médecin est le “père” du patient qui est alors infantilisé) devient une attitude répréhensible sous plusieurs aspects alors que l’autonomie du patient est consacrée. Le médecin peut être désormais condamné pour n’avoir pas donné une information loyale (c’est à dire audible par le patient) et il doit demander le consentement explicite du patient qui peut refuser tout soin ou traitement. Ce consentement se doit d’être libre et éclairé, cela signifiant que le médecin doit faire une véritable démarche informative en expliquant, entre autres, la balance bénéfice sur risques et les conséquences des choix du patient.

Cette consécration de l’autonomie est une avancée qui a fait l’objet de nombreuses demandes de la part d’associations de patients. En effet, ceux-ci n’acceptaient plus d’être entièrement soumis à la volonté médicale et désiraient pouvoir prendre les décisions sur les soins qui avaient des conséquences sur leurs vies. Ce désir d’autonomie provient de plusieurs sources, d’une part le médecin au cours de la fin du XXème siècle a perdu progressivement son rôle de notable et ses décisions ont été de plus en plus fréquemment remises en cause par la justice au sein d’affaires de plus en plus médiatisées. De plus, à la suite de la seconde guerre mondiale, la découverte de plusieurs recherches clairement immorales2 a donné naissance au premier code de Nuremberg3 qui impose les premières règles dans le cadre de la recherche biomédicale. De ces recherches naît aux Etats-Unis d’Amérique le mouvement de bioéthique qui demande, entre autre, la libération du patient face au pouvoir grandissant de la biomédecine. Une autre source de l’autonomie est aussi l’individualisation croissante de la société et l’augmentation du niveau d’éducation dans les pays occidentaux qui permettent une prise de parole du patient.

Cette démarche d’autonomisation du patient est globalement très positive, néanmoins plusieurs pièges restent à éviter. Le CCNE (Comité Consultatif National d’Ethique) dans son avis 58 pose une mise en garde : “Même si c’est un  fait que les patients aujourd’hui attendent de leur médecin plus d’information que les patients d’hier, leur compréhension des actes médicaux les concernant est souvent approximative. Et la participation des malades aux décisions les concernant est fort inégale d’un cas à l’autre4. Il est en effet très aisé de penser à tort que tous les patients sont complètement autonomes et qu’une information basique en cinq minutes et constellée de jargon médical suffise réellement à lui permettre de donner un consentement libre et éclairé.

Il est très important de penser la notion de vulnérabilité tout autant que la notion d’autonomie. En effet, de nombreux patients sont vulnérables et ont donc besoin d’une attention toute particulière. La maladie peut rentre vulnérable, évidemment, mais il existe aussi des facteurs psycho-sociaux qui peuvent empêcher le patient de comprendre ce qu’on lui explique. La littératie5 en est un exemple flagrant. La littératie est l’incapacité à comprendre  et à utiliser une information écrite dans la vie courante. On estime que 60% des adultes canadiens sont incapable de comprendre et d’agir en conséquence concernant les informations de santé6. Il est évidemment possible de penser que les canadiens sont moins intelligents que les français (mouais !) mais cependant ces chiffres doivent nous faire comprendre toute la difficulté qu’il peut y avoir à prendre sa vie en main surtout dans les situations difficiles.

On s’aperçoit facilement que la difficulté inhérente à l’information est qu’elle nécessite une démarche active de la part des acteurs de la relation. D’une part, le soignant doit faire l’effort de donner une information compréhensible et d’écouter les questions mais aussi le patient doit avoir une démarche active de compréhension ce qui n’est pas toujours possible. De plus certaines personnes en raison de pathologies ne sont absolument plus en mesure ou n’ont jamais été en mesure de donner un quelconque consentement libre ou de comprendre une information. La médecine doit aussi prendre en compte ses patients quelque que soient leurs facultés. Une loi n’est absolument pas suffisante pour garantir une bonne information, la loi empêche les dérives mais ne peut pas pousser un soignant à faire son maximum pour chercher la compréhension des patients. De plus, la loi dispose souvent la relation soignant-soigné comme un rapport de force ce qui ne devrait pourtant jamais être le cas.

Ainsi plutôt que de penser en terme d’autonomie ou de paternalisme et de patients contre soignants. Il serait intéressant de laisser derrière nous le rapport de force où chaque parti tenterait de prendre l’ascendant sur l’autre et de décider d’entrer pleinement dans un partenariat. Ne serait-il pas temps de penser le malade et le médecin, partenaire ?7

 

Information médicale, première partie

Bibliographie :

1- Pierron J-P. “Une nouvelle figure du patient ? Les transformations contemporaines de la relation de soins”. Sci Soc Santé. 2007;25(2):43.

2- Hervé C. et al. “Recherche biomédicale et population vulnérable”. Ed. L’Harmattan, 2006.

3- Page wikipédia : “Code de Nuremberg”. Accessible au : https://fr.wikipedia.org/wiki/Code_de_Nuremberg. Consulté le 08/04/2016.

4- Conseil Consultatif National d’Ethique. “Consentement éclairé et information des personnes qui se prêtent à des actes de soin ou de recherche”. 1998. Accessible au : http://www.ccne-ethique.fr/fr/publications/consentement-eclaire-et-information-des-personnes-qui-se-pretent-des-actes-de-soin-ou.

5- Page Wikipédia : “Littératie”. Accessible au : https://fr.wikipedia.org/wiki/Litt%C3%A9ratie. Consulté le 08/04/2016.

6- Eggertson L. “Littératie en santé : plus que savoir lire, écrire et compter – Une infirmière perd pied face à une urgence médicale” Infirmière Canadienne, 2011. Accessible au : http://infirmiere-canadienne.com/fr/articles/issues/2011/janvier-2011/litteratie-en-sante-plus-que-savoir-lire-ecrire-et-compter-une-infirmiere-perd-pied-face-a-une-urgence-medicale. Consulté le 08/04/2016.

7- s.j. Patrick Verspieren, « Malade et médecin, partenaires », Études, 2005/1 Tome 402, p. 27-38. https://www.cairn.info/revue-etudes-2005-1-page-27.htm]

Information médicale, une nécessité ?

Information médicale

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L’information du patient est une ancienne revendication des usagers du système de santé. Dans le cadre du cancer, la demande a été portée via les états-généraux du cancer ayant donné lieu aux premiers plans cancer en France. Les patients ont soulevé la détresse qu’ils pouvaient ressentir d’être dans l’ignorance et de se sentir livrés au monde médical.

Aujourd’hui, la nécessité de l’information du patient dans l’optique du consentement libre et éclairé ne fait plus débat. Cependant, s’il y a un large consensus dans le sens de l’information du patient, il est facile de s’apercevoir que les questionnements éthiques sur le sujet sont toujours d’actualité et qu’ils restent encore au cœur des réflexions médicales.

Dans cet article nous aborderons majoritairement le droit sans trop nous attacher aux questions éthiques qui viendront dans un article prochain.

la loi française concernant l’information médicale s’est construite au fil des années. C’est essentiellement la jurisprudence (interprétation des lois pour ainsi dire) qui a mené les grandes avancées tout particulièrement en convenant en 1942 qu’un patient devait être informé par le médecin avant une opération (arrêt Tessier, 1942). Par la suite, au vu de l’avancée des jurisprudences mais surtout des mentalités au sein de la société (les procès de Nuremberg ont fortement contribué à ces changements) plusieurs lois sont créées en France :

  • La loi n° 88-1138 du 20 décembre 1988 dite loi Huriet qui protège les personnes face à la recherche biomédicale. Cette loi qui consacre le consentement libre et éclairé et l’information s’inscrit dans la continuité du code Nuremberg.
  • Le code de déontologie médicale intégré au code de la santé publique à été revu 6 fois de 1941 à 2012 et intègre désormais dans son article 37 que : “Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose.
  • La loi no 2002-303 du 4 mars 2002 dite loi Kouchner dispose que “Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé”. Cette loi consacre le droit des malade de conserver une autonomie même dans la maladie.

Je ne vais pas m’étendre davantage sur les lois car cela devient très rapidement indigeste et les juristes sont bien meilleurs que moi sur la question (j’espère qu’un juriste pourra publier un article spécifique sur mon site). Il est à noter qu’il existe plusieurs conventions et traités internationaux qui visent à défendre l’individu contre les éventuelles dérives de la science (déclaration universelle sur la bioéthique et les droit de l’Homme, convention d’Oviedo …). Je vous donne donc rendez-vous au prochain article pour découvrir pourquoi l’information est perçue comme si importante et pourquoi finalement est-elle un peu dérisoire.

Information médicale, deuxième partie

Bibliographie :

1- Légifrance.gouv.fr

2- Haute Autorité de Santé. Délivrance de l’information à la personne sur son état de santé : principes généraux [Internet]. HAS; 2012 mai. Disponible sur : http://www.has-sante.fr/]]>

Qu’est-ce que l’éthique ?

Ethique

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L’éthique médicale et la bioéthique sont désormais des disciplines de plus en plus incontournables dans le domaine de la santé. Cependant, la médiatisation grandissante de scandales, au sein entre autre, de l’institution hospitalière, a donné lieu à une intégration de ces termes dans l’opinion publique.

Les termes éthique et bioéthique, parfois mal compris, sont désormais utilisés par tous. Le risque de cet usage massif est la perte du sens de ces mots. C’est pourquoi les soignants et tous les citoyens qui décident de travailler sur des questionnements éthiques se doivent de réfléchir à la signification et à la définition des termes qu’ils utilisent. Dans le “Léviathan” paru en 1651, le philosophe Thomas Hobbes, avance l’idée de la nécessité de définir correctement les mots pour éviter les erreurs :

      “Nous voyons donc que la vérité consiste en l’exacte mise en ordre des noms dans nos affirmations, en sorte que celui qui cherche une vérité certaine est dans l’obligation de se souvenir de ce  que chacun des noms qu’il utilise veut dire et, conformément à cela, de le ranger à sa place, sans quoi il se retrouvera piégé dans les mots…”

Outre la définition des mots, il est donc nécessaire de définir en quoi une problématique particulière peut nous toucher et de quelle manière il est possible de trouver une solution, un avis ou du moins une réponse aussi imparfaite soit-elle.

Toute personne abordant  l’éthique se doit donc de définir ce qui est entendu par le mot en lui-même. Pour ce faire, il est intéressant de rechercher l’étymologie du mot. En bref, il s’agit de revenir aux sources des mots que nous utilisons. Le terme éthique vient du grec “Ethos” ainsi que du latin “Ethicus” qui renvoie au terme latin “Mores“. En “Mores” vous aurez reconnu la racine du mot “morale”.

En soi, les termes morale et éthique n’ont pas de différence significative d’un point de vue étymologique car ils renvoient aux “mœurs”, aux façons de vire ; bien que ces mœurs soient variables en fonction des cultures. Par la suite, de nombreuses définitions furent données par de nombreux philosophes tels que Platon, Aristote, Thomas D’Aquin, Paul Ricœur, Ruwen Ogien, Ludwig Wittgenstein… Liste complètement non exhaustive bien sûr ! Toutes ces définitions, souvent complexes, rendent difficile la compréhension du terme éthique, mais cela révèle que la réflexion sur le sujet est très ancienne. Aujourd’hui, il y a, pour certains philosophes, un fossé entre le sens commun que l’on donne au terme éthique et le sens que l’on donne au terme morale.

La morale est, alors, perçue comme une référence personnelle ou sociétale, normative à caractère universel. Beauchamp et Childress dans “Les principes de l’éthique biomédicale” en font une définition abordable: “Dans son sens le plus courant, la morale se réfère aux normes de la bonne ou mauvaise conduite humaine, qui sont si largement partagées qu’elles forment un consensus social stable.

Ainsi la morale se présente comme une représentation abstraite de ce qui est bien ou mal. Une chose est Bonne ou mauvaise en fonction de ce que l’on croit ou de ce que la société croit. Par exemple, il est très largement répandu dans notre société occidentale que tuer est mal. C’est donc la norme générale, la France interdit le meurtre et l’assassinat car la société est globalement d’accord sur le fait qu’on ne peut pas vivre en société si l’on peut tuer son voisin ou se faire tuer par lui sans conséquence.

L’éthique, se place dans une réalité beaucoup plus concrète que la morale qui est souvent assez généraliste. On peut voir l’éthique selon deux angles, soit comme une  morale appliquée d’un point de vue personnel. Comment est-il possible de réaliser une action juste selon mes valeurs et qui vise un bien dans un cas particulier ?

Soit, comme une réflexion argumentée menant à un acte ou a un avis qui sera justifiable dans une société multiculturelle où les morales diffèrent.

L’éthique n’a pas pour vocation de définir de manière abstraite ce qui est bien ou mal, elle naît au contraire d’une pratique qui pose question. De ce fait, une réponse donnée à un questionnement éthique ne sera pas forcément généralisable à d’autres cas même semblables. De même, la solution trouvée ne sera pas totalement satisfaisante mais aura permis une réflexion et donc l’ébauche d’une solution. Dans le cas cité un peu avant, on s’aperçoit que la problématique est complexe et que les solutions sont diverses : juridiques, sociales, etc…

Aujourd’hui, je vous propose une définition pour décrire l’éthique ou plutôt pour définir la visée éthique. La définition est celle de Paul Ricœur, tirée de son essai “soi-même comme un autre” paru en 1990 : “Appelons “visée éthique” la visée de la “vie bonne” avec et pour autrui dans des institutions justes”.

L’intérêt de cette définition est qu’elle présente très clairement tout ce qui est mis en jeu dans l’éthique médicale. Les termes qui renvoient à soi et aux autres sont “avec et pour autrui” et “institutions”. Ainsi une préoccupation d’éthique médicale, reflétera une idée de la vie bonne comprenant le soignant, le soigné et la société, qui est ici représentée par l’institution qui peut être un hôpital public, par exemple. Il y a donc une dimension de dialogue dans l’éthique de Paul Ricœur. La “vie bonne” n’est possible qu’avec l’ « autre » au sein d’une société juste. Malgré l’apparente facilité de la définition, il y a plusieurs questionnements qui en découlent. Par exemple, comment définir une “vie bonne” ? Cette conception est sans doute très différente d’un individu à l’autre.

Ensuite, il y a la problématique de l’ “autre”, que faire lorsque l’ « autre » refuse tout dialogue ou qu’il refuse de “vivre” avec nous ?  Et enfin, comment est-il possible de penser des institutions justes ?  Malgré une définition de l’éthique qui est courte et extrêmement intéressante, il apparait qu’il est difficile de définir réellement ce qu’est l’éthique sans entrer dans l’abstrait. Cependant, il est possible d’avancer en pensant simplement à une pratique qui nous questionne et que l’on cherche simplement à améliorer.

“C’est au moment du «je ne sais pas quelle est la bonne règle» que la question éthique se pose. Donc ce qui m’occupe, c’est le moment… où je ne sais pas quoi faire, où je n’ai pas de normes disponibles, où je ne dois pas avoir de normes disponibles, mais où il me faut agir, assumer mes responsabilités, prendre parti d’urgence, sans attendre.”

Jacques DERRIDA, philosophe français décédé en 2004